Mission interministérielle à Siguiri : Vers une meilleure régulation de l’exploitation aurifère mécanisée

Siguiri, 24 juin 2025 – Une mission conjointe regroupant les ministères de l’Environnement et du Développement Durable, de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, des Mines et de la Géologie, ainsi que de la Sécurité et de la Protection Civile, s’est déroulée du 10 au 23 juin 2025 dans la préfecture de Siguiri. Cette initiative visait à identifier et évaluer les impacts environnementaux, sociaux et sécuritaires liés à l’exploitation mécanisée non contrôlée de l’or, un phénomène en forte expansion dans la région.

Une mobilisation multisectorielle face à une urgence environnementale et sociale

Face à la dégradation accélérée des écosystèmes, à la pollution des cours d’eau et à la recrudescence des conflits fonciers, les autorités nationales ont jugé nécessaire de mener une évaluation approfondie sur le terrain. La mission a permis de visiter plusieurs sites d’exploitation, de rencontrer les communautés locales, les exploitants, les autorités préfectorales et les services techniques déconcentrés.

Des constats préoccupants

Les observations de terrain ont mis en évidence :

  • une déforestation massive et une perte de biodiversité ;
  • une pollution des eaux par le mercure et les hydrocarbures ;
  • une déscolarisation croissante des enfants dans les zones minières ;
  • des tensions sécuritaires liées à la présence d’engins non immatriculés et d’opérateurs non identifiés.

Des recommandations fortes pour une action durable

À l’issue de la mission, les experts ont formulé plusieurs recommandations, notamment :

Au ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation :

  • Renforcer les capacités des services déconcentrés et décentralisés sur leurs relations avec les services techniques de l’administration (Environnement et Mines) dans le cadre de l’exploitation mécanisée.
  • Rendre obligatoire l’immatriculation des laveries et autres engins lourds destinés à l’exploitation minière.
  • Déployer des brigades mixtes (Environnement–Mines–Sécurité) pour les contrôles inopinés et la prévention des conflits.
  • Appuyer et surveiller les autorités communales afin de rendre le développement local effectif à travers la mobilisation des ressources internes.;

Au ministère de l’Environnement et du Développement Durable

  • Interdire l’usage de substances toxiques (mercure, cyanure) sans encadrement technique.
  • Lancer des programmes de reboisement et de restauration des sites dégradés, avec implication communautaire.
  • Mettre en place un système de suivi environnemental par télédétection et drones, pour cartographier l’évolution des impacts.
  • Publier régulièrement des rapports d’évaluation multisectoriels sur l’état des sites et les actions entreprises dans le cadre de la protection de l’environnement.
  • Intégrer les acteurs locaux (collectivités locales, leaders communautaires) dans les comités d’encadrement.

Au ministère des Mines et de la Géologie :

  • Mettre en place un cadre de coordination interinstitutionnelle permanent pour le suivi des activités minières artisanales et mécanisées ;
  • Mettre à la disposition des Ministères sectoriels les actes règlementaires encadrant la pratique de l’exploitation minière mécanisée et artisanale ;
  • Renforcer les capacités des services déconcentrés du ministère des mines sur leurs relations avec ceux de l’environnement pour l’identification et l’octroi des couloirs d’exploitation mécanisée ;
  • Mettre à la disposition du ministère de l’environnement, la liste exhaustive des permis d’exploitation, des autorisations d’exploitations et des autorisations de recherche des sociétés ayant fait objet de retrait par décret et arrêté.
  • Intégrer les acteurs locaux (collectivités locales, leaders communautaires) dans les comités d’encadrement qui seront installés.
  • Renforcer les campagnes de sensibilisation communautaire sur les risques et enjeux liés à l’orpaillage mécanisé (santé, sécurité, éducation) ;
  • Vulgariser le découpage actualisé pour éviter les conflits entre les communautés des village voisins et entre les communautés et les sociétés et aussi administratif ;

En conclusion

La mission interministérielle conduite dans la préfecture de Siguiri a permis de dresser un constat non reluisant sur les conséquences multiformes de l’exploitation mécanisée non encadrée de l’or.

Les impacts environnementaux observés (déforestation, pollution des eaux, dégradation des sols) compromettent durablement les écosystèmes locaux et les moyens de subsistance des communautés. Sur le plan social, la déscolarisation, les problèmes de santé publique et les conflits fonciers témoignent d’une fragilisation du tissu communautaire. Par ailleurs, la prolifération d’engins non immatriculés et l’absence de contrôle continu posent de sérieux défis sécuritaires.

Sur le plan administratif et institutionnel, la présence du ministère de la défense à travers la Gendarmerie Nationale et des militaires détachés sur les sites clandestins témoignent un disfonctionnement institutionnel dans le cadre de l’encadrement de l’exploitation mécanisée non contrôlée de l’or dans la préfecture de Siguiri.

Cependant, les communautés sensibilisées sur la question, ont avouées leur complicité motivée par des promesses relative à une éventuelle réalisation d’infrastructures socioéconomiques de base (écoles, postes de santé, routes mosquées etc..).

Ces constats confirment l’urgence d’une réponse coordonnée, intégrée et durable. La mission recommande la mise en place d’un mécanisme de gouvernance interinstitutionnelle, le renforcement du cadre réglementaire, la délimitation de zones d’exploitation encadrées, ainsi que des actions concrètes de restauration environnementale et de protection sociale.

La réussite de ces mesures dépendra de l’engagement politique, de la mobilisation des ressources, mais aussi de l’implication active des collectivités locales et des communautés concernées. Il est impératif que les leçons tirées de cette mission servent de socle à une réforme structurelle du secteur de l’orpaillage en Guinée.

Malick SAMOURA

Directeur Technique Gestion de Données et Communication à l'Agence Guinéenne d'Evalutations Environnementales.

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